mardi 11 janvier 2011

Veille du réveillon de Noël 2010

Vivier est mort et sera enterré demain à 10h30, heure française.
Posé quelques bougies devant le temple de Shiva à Tiruvanamalaï. Sans doute l'un des mots les plus prononcés pendant vingt-quatre heures.



Le cache-cache le plus mystique auquel il m'ait été donné de jouer.
Peuplé de temples silencieux, brûleurs de cierges et d'offrandes allumées, les larges trottoirs de céramique blanche et rouge, plus larges que les rues de Chennai ou presque, et silencieux, enfin.
Parfois un portable diffuse une musique entraînante et hindou, un truc un peu transe, qui se prête à cette marche de 14 kilomètres que nous ignorons encore.
La température est idéale et on se sent protégé, presque en famille.
Les habitants parlent mal anglais, mais comprennent ce mot sans cesse recommencé, mains jointes, rire partagé, car tout cela est avant tout fort drôle: "Tiruvanamalaï? Here or there?" "Tiruvanamalaï?"
J'y croyais, comme je croyais à l'envolée de Lyd, à présent à nos côtés.
D'une part je ne pouvais pas me dire que tous ces indiens s'étaient vraiment ligués pour égarer les deux blancs du quartier, et je voulais croire à la possibilité d'une île, le "Paris a tourné!" enfin réalisé, quand  en vérité c'était nous qui tournions, autour de la montagne.



Un brahman que je peinais à comprendre et qui fermait les yeux pour mieux chanter Shiva.
Envie de prendre à son tour de cette pâte vermeille et de se l'appliquer sur le front pour un peu tout- indienne, mystique, croyante et investie, pour la beauté, le geste, pour le toucher, l'application par le pouce de cette terre un peu rêche, pour enfin croire à la réincarnation.

Plus sereine et détachée depuis quelques jours, mais sans doute besoin de plonger au coeur du truc, ce vieux fantasme de pleurer dans les bras d'un moine.

Comme en Chine, ils te saluent doucement lorsque l'avion décolle.
Le temps devant nous, immense et minuscule. La vie devant soi, si précieuse et redoutable de légèreté, d'arrêt tangible, de brisure potentielle.
Prendre. Donner. Être là. Profiter.

Il y en a qui demandent, qui mendient, qui viennent pincer pour se rappeler à notre bon souvenir de blanc dont la pochette de sécurité recèle une deuxième carte bancaire, mais pour la plupart, ce sont des sourires, le bonheur de nous découvrir, de nous parler, d'apprendre d'où nous venons.
Un sourire en retour éclaire leur visage, comme un cadeau qui les honorerait et les ferait presque rougir de plaisir.
L'interaction est bien plus importante qu'ailleurs, le flot d'émotions circule, connectant les individus, les liant un instant par quelque chose de chaleureux, de pur, une forme d'amour.

Les enfants sont joueurs et malins, sans manquer de respect. Ils sont curieux et fascinés, heureux et rieurs, demandent mais n'obligent pas, regardent mais ne touchent pas.
En cela, ils sont extrêmement agréables, puisque selon le principe des contraires, ils donnent par conséquent forcément envie de se rendre vers eux, de leur répondre, et de rire de concert.



Devenir prof et voyager six mois par an?
Un jour peut-être.
Pour l'instant, que ferais-je de mes journées? Perdre sa vie à la gagner.
Mieux vaut ne pas réfléchir ainsi. Mais un jour peut-être.

Quel était le but de ce lépreux à Tiruvanamalaï?
Rester en vie? Récolter assez chaque jour pour s'offrir du riz en banana leaf, et l'arroser d'un peu de sauce? Un traitement qui empêche la lèpre d'avancer? Un but, malgré tout, comme au délà de toute réflexion, une évidence, un réflexe, un automatisme: je suis en vie, autant y rester.
- T'es où, là?
- En vie.
Envie.

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