mercredi 11 juin 2014

Heimweh, heim... weg? Ou l'ultime frontière...

Le mal du pays, mais pas le sien, pas le mal de la nostalgie.
Au contraire!

Le mal du pays d'un autre, et son poison, qui lentement nous coule dans la veine à chaque seconde que l'on y reste un peu plus.

Jamais encore arrivé de la sorte.

Partir, fuir, s'envoler, dégager, quitter, ô! un instant pouvoir s'élever au-dessus de la mêlée et de la foule, je sais pas moi, être équipée d'une petite hélice portative que l'on aurait coincée dans le sac à dos de manière à pouvoir léviter quelques centimètres au-dessus du sol afin de, déjà, ne plus vraiment faire partie du truc, s'être affranchie du terrain, avoir dépassé la frontière, ne serait-ce que verticale.

L'horreur de ne pas savoir qui, où, quoi, comment, l'horreur d'en être réduite à son enfer imaginaire, à brûler parmi les fantasmes et les fausses et mauvaises projections.
Rien de pire que ce qu'on se raconte et qui devient déjà, réalité, au point de ne plus pouvoir arpenter ces rues inconnues, qu'on aurait voulu pouvoir découvrir, auxquelles on voulait s'intéresser, mais qui ne sont plus, malgré nous, que le reflet d'une vie passée, non la nôtre, celle d'un autre, celle de celui que nous n'avons pas connu.

Et alors, plus le mal du pays, non, plus la nostalgie, mais bien la souffrance incroyable, le besoin irrépressible de dégager, d'en finir avec ce martyre, ça va, c'est bon, elle a bon dos, la croix.

Première fois qu'ainsi se matérialisent véritablement les contours géographiques de la frontière: cette limite, cette identité, ce dessin qu'il me faut transgresser, dépasser, dont il me faut sortir.
Je suis prisonnière d'une carte en 3D et je veux dégager, laissez-moi partir, bordel de queue! que vous faut-il de plus? J'ai mon visa, mon putain de passeport, je sais le lire, votre saloperie d'alphabet, je veux sortir, tu comprends? out! plus de p'tit tour, c'est bon, s'en va! je suis plus là! hop, c'est fini! je veux arrêter avec ça, terminé, regardez-moi bien, vous n'me reverrez jamais.

Et dans son coeur de baroudeuse, d'amoureuse de la route et des rencontres, la honte, la honte d'en être réduite à fuir un pays inconnu, car son imagination tortueuse est plus forte que l'aventure, car les souvenirs inventés d'un passé qui n'est plus ont pourtant eu raison de sa curiosité...  présente, et non fantasmée...

Dommage...
Peut-être.
Ou peut-être faut-il aussi parfois savoir s'accorder ce répit, et ne pas chercher, trop vite, trop loin, à s'acoquiner avec la flamme, mais se passer un peu d'onguent au cœur et s'offrir le whisky qui sourit et vient réchauffer les meurtrissures qu'on s'était amusée à se faire toute seule, pour rire, avec des crayons de couleurs gras, de ceux qu'on pensait qu'ils ne marqueraient pas.