jeudi 24 mai 2012

En finir avec Platon


Rien dans la vie ne m'atteint plus immédiatement et plus viscéralement, avec tous, et dans toute situation, que cette sensation terrible, choquante, brutale, cet état de fait irréversible:
nous sommes deux, mon amant, ma soeur, et ce que je découvre, peut-être ne l'aperçois-tu pas, et ce que je ressens, qui sait si tu l'éprouves; partageons nous le monde, l'amour ou l'émotion? Penses-tu ce que je pense, sais-tu ce que je sais, vois-tu ce que je vois, sens-tu ce qui m'étreint? Ô...


Il y a de ces instants dans lesquels on vit l'osmose, l'harmonie totale, la compréhension innée, instantanée, la connexion ultime, immense et infinie, le flot d'émotions incroyable, unique et partagé, qui nous unit, nous relie à tout, à tous. 
De nos plantes de pied posées plat sur la terre jaillissent des ondes colorées, rouge, jaune, bleu, vert, et nous sommes un, et nous sommes tout, et notre place au monde est là, brillante, et belle, et naturelle, intrinsèquement fondée, vraie, évidente, et nous emplissons l'espace et l'espace nous emplit, et l'on se comprend, et l'on s'est compris, et tout est beau et bon dans le meilleur des mondes partagé et en transmission, quand soudain bam! couac! un signal, une alerte.
Y a un lézard, un blem, y a un truc qui va pas. Une couille, un canard, un truc, mec. Quoi?
Le ventre tordu, le poing qui coupe le souffle.
Nous ne sommes pas un, mais deux, et le doute.
La route a dévié, on ne se comprend pas, on n'a pas partagé, on ne communique pas, c'est brisé, c'est niqué - les couleurs en nous rentrent.

Une infinie tristesse, un malheur plus grand que le monde nous envahit.

C'est comme ça, c'est la vie, il faut bien s'y faire, et l'on sait, d'expérience, que dans quelques minutes ça ira mieux - on aura pris sa détresse en patience, et le dialogue pourra reprendre, plus ténu, plus discret, plus solitaire, certes, mais ça continue, doucement, ça va reprendre...

Ca continue, mais qu'en est-il de l'autre? De notre lien? 

Et où en est l'amour?

Quand même fou d'avoir cela si ancré en soi.
On s'en remet, on s'en remet toujours, il n'y a là rien de grave.
Mais fou, oui, de continuer ainsi à le ressentir, aussi fort et puissant et brutal et violent, fou, oui, les soirs de fatigue, de s'en trouver si triste...


Savoir, savoir aussi, que cela n'est qu'instant
Et que lorsque face à soi se trouve un être cher, un vrai, l'indienne à la natte blonde séchant sous les étoiles, ou le tronc élancé dont la sève est ma fougue, ou mes félins chéris arborant de malice leurs moustaches nyctalopes...

Alors, et malgré tous les poings du monde, le rire, enfin. Le rire, nous, un. 






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